Le 28 mai 2020, l’Assemblée Populaire Nationale a adopté le premier Code civil chinois, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2021.
Composé de 1260 articles, le Code civil chinois se structure en sept Livres : partie générale, droits réels, contrats, droits de la personnalité, famille, successions et responsabilité. Il est à noter que la partie générale avait déjà été adoptée le 15 mars 2017 et correspond aux Dispositions générales du droit civil de la République Populaire de Chine, entrées en vigueur au 1er octobre 2017.
L’adoption du Code civil est le résultat d’un travail entamé par les juristes chinois dès la proclamation de la République Populaire de Chine en 1949. Cinq tentatives ont été nécessaires pour aboutir à l’adoption de ce Code civil appelé à «moderniser les réseaux de gouvernance» 1SHI Jiayou, « La rédaction du Code civil chinois : entre la compilation et l’innovation », RIDC, n°4, 2019, p. 945 et à participer à la construction d’un «Etat de droit socialiste» 2SHI Jiayou, « La rédaction du Code civil chinois : entre la compilation et l’innovation », RIDC, n°4, 2019, p. 945..
La codification contribue à rendre le droit civil chinois plus accessible et plus lisible. Elle met fin à un régime jusqu’alors fragmenté au sein duquel les règles étaient fixées par une dizaine de législations spéciales auxquelles s’ajoutaient de nombreux règlements administratifs et interprétations judiciaires.
Dans un pays où la répartition des compétences législatives reste encore ambiguë, le choix de faire voter l’adoption du Code civil par l’Assemblée Populaire Nationale n’est pas anodin. Institution suprême de l’Etat, cette assemblée est responsable de l’adoption des lois dites «fondamentales», appelées à régir «les rapports fondamentaux, touchant à l’ensemble de la vie politique, sociale et des individus au niveau national» 3ZHOU W. (sous la dir.), Traité sur la Science légistique (lifaxue jiaocheng), Edition du Droit, 1995, p.36.. Le Code civil a ainsi une valeur symbolique supérieure aux lois «ordinaires» adoptées par le Comité permanent, ce qui a des conséquences sur sa place au sein de la hiérarchie des normes chinoises 4SHI Jiayou, La codification du droit civil chinois au regard de l’expérience française, LGDJ, n°43, p. 34..
Pour le Professeur Shi Jiayou de l’Université du Peuple de Chine, la partie la plus novatrice est celle relative aux droits de la personne, qui «réaffirme la dignité humaine et le droit à l’intégrité du corps humain face aux menaces que représentent notamment les technologies» 5Le Monde, « La Chine se dote d’un code civil, sans avancer sur l’Etat de droit », édition du 28 mai 2020..
En l’absence de mécanisme efficace assurant le contrôle de constitutionnalité des lois, la protection des droits fondamentaux demeure imparfaite en Chine. Le souvenir de la Révolution culturelle reste encore vif et des affaires récentes 6Par exemple, en 2018, He Jiankui avait annoncé la naissance de deux jumelles dont l’ADN a été modifiée par l’emploi de la technologie CRISPR-Cas9. L’affaire avait suscité l’émoi dans la communauté internationale. ont conduit les rédacteurs chinois à «mettre en œuvre l’exigence constitutionnelle de l’inviolabilité de la dignité humaine» 7Rapport explicatif relatifs aux avant-projets présentés par le Directeur de la Commission du travail législatif devant le Comité permanent de l’Assemblée Populaire Nationale, le 27 août 2018. par l’incorporation, au sein du Code civil d’un livre relatif au droit de la personnalité. Ce livre fixe les «définitions, contours, conditions d’exercice» 8SHI Jiayou, « La rédaction du Code civil chinois : entre la compilation et l’innovation », RIDC, n°4, 2019, p. 963. des règles relatives aux droits de la personnalité et résout «le problème de conflit de lois» 9SHI Jiayou, « La rédaction du Code civil chinois : entre la compilation et l’innovation », RIDC, n°4, 2019, p. 963. qui aurait pu entraver leur invocabilité devant les juridictions chinoises.
La rédaction du Code civil a indéniablement été enrichie par l’étude des droits étrangers et les juristes chinois ont porté une attention certaine au droit français. La codification française est considérée comme une «référence incontournable» 10SHI Jiayou, La codification du droit civil chinois au regard de l’expérience française, LGDJ, n°31, p. 24., dont l’étude est «particulièrement pertinente» 11SHI Jiayou, La codification du droit civil chinois au regard de l’expérience française, LGDJ, n°32, p. 25.. L’article 16 de notre code civil a inspiré l’article 109 12Article 109 du Code civil chinois : « [Liberté et dignité personnelles protégées par la loi] La liberté et la dignité personnelles des personnes physiques sont protégées par la loi ». sur la liberté et la dignité des personnes. En matière de protection de l’environnement, le Code civil chinois établit, à l’image du Code civil français, un régime spécifique au préjudice écologique. Les efforts français de modernisation du droit des contrats ont aussi été remarqués et l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a constitué une «source d’inspiration assez importante à la rédaction du Code civil chinois» 13SHI Jiayou, « La rédaction du Code civil chinois : entre la compilation et l’innovation », RIDC, n°4, 2019, p. 958.. Les rédacteurs chinois se sont ainsi inspirés du droit français pour transformer certaines dispositions déjà existantes et jugées insatisfaisantes, comme celles fixant le régime de l’imprévision ou celle portant sur le régime de la résolution du contrat. Ils ont aussi «fortement emprunté» 14SHI Jiayou, « La rédaction du Code civil chinois : entre la compilation et l’innovation », RIDC, n°4, 2019, p. 960. au droit français pour enrichir le droit civil chinois de nouvelles notions, comme le régime des quasi-contrats.
L’influence du droit français a été renforcée par le travail conjoint de la Fondation pour le droit continental sous la responsabilité scientifique de Monsieur le Professeur Michel Grimaldi et l’Ambassade de France en Chine qui ont créé, depuis 2017, un espace bilatéral de coopération permettant à l’ensemble des acteurs juridiques et judiciaires, chinois et français, d’échanger à propos du droit civil. Les Rencontres Franco-Chinoises du Droit et de la Justice et les Colloques sino-français sur la codification civile sont devenus des étapes régulières et incontournables de cet échange.
L’adoption du Code civil est un événement important dans l’histoire juridique chinoise. Il est certain que la matière va continuer à se développer, la Cour Populaire Suprême ayant déjà annoncé son intention de présenter une «Interprétation judiciaire portant sur certaines questions relatives à l’interprétation du Code civil». De nouvelles questions vont se poser et elles permettront de continuer les échanges entre juristes chinois et français.

Charles Dagan – LL.M de droit chinois, université du peuple de Chine (Renmin), doctorant, Institut de droit privé (EA 1920), université de Toulouse Capitole
La Fondation pour le droit continental tient à remercier Anthony Manwaring et toute l’équipe de l’Ambassade de France en République Populaire de Chine, notamment son service juridique, pour leur dynamisme et leur engagement continu au service de la coopération franco-chinoise et de la réussite des Rencontres Franco-chinoises du Droit et de la Justice depuis 2017.
Elle remercie également tous les experts français et chinois qui ont contribué aux actions de coopération et aux travaux du code civil chinois :
Parties françaises:
En particulier le Professeur Michel Grimaldi, responsable scientifique des travaux, ainsi que Marie Goré – Charles Gijsbers – Bénédicte Bévière-Boyer – Jalila Bachri – Jean-Michel Bruguière – Louis Daniel Muka Tshibende – Marie-Laure Papaux van Delden – Anne Pélissier – Emmanuel Terrier – Olivier Vix – Jérôme Cauro – Antoine Desmiers De Ligouyer – Jean-Philippe Fruchon – Tiffany Attia – Roy Spitz – Emmanuel Raskin – Louis Degos – Jacques Sagot – Pierre Lafont – Laurence Kiffer – Jean-François Richard – Valérie Delnaud –Florence Hermite – Mélanie Besseaud – Lydie Pak
Parties chinoises:
En particulier Jaiyou Shi, Professeur à l’Université Renmin de Chine et Directeur exécutif du Centre national de recherche sur le droit civil et commercial, ainsi que Peng’ao Chang – Han Chen – Xiao Cheng – Mengyong Dai – Hao Dong – Xueli Dong – Shengping Gao – Zhe Huang – Mei Jin – Jin Keke – Yongjun Li – Yu Liao – Jia’an Liu – Kaixiang Liu – Zhihui Liu – Jun Long – Yao Luo – Weixing Shen – Xu Tongyuan – Hongliang Wang – Liming Wang – Rongzhen Wang – He Xuxu – Lixin Yang – Hui Yao – Mingyi Ye – Jun Yi – Zhiqiang Yin – Fei Yu – Xinbao Zhang – Xudong Zhao – Youjun Zhou – Zhiyang Zhou – Guangxin Zhu – Hu Zhu – Xiao Zhu – Defeng Zu
1ères Rencontres Franco-Chinoises du Droit et de la Justice du 20 au 23 juin 2017
3èmes Rencontres Franco-Chinoises du Droit et de la Justice du 13 au 21 mai 2018
