La 10ème édition de la Convention des Juristes de la Méditerranée a eu lieu le 2 juin dernier à Bucarest (Roumanie) : une édition consacrée à la transparence financière et à l’éthique

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Après deux années d’attente liées à la pandémie de Covid-19, la 10ème édition de la Convention des juristes de la Méditerranée a eu lieu le 2 juin dernier, à la Faculté de Droit de Bucarest, en Roumanie. Une destination riche de sens pour célébrer cet événement organisé dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, mais également en raison de la guerre en Ukraine, voisin meurtri. Près de 30 experts et hautes personnalités du monde juridique des zones Europe et Méditerranée ont ainsi fait le déplacement pour débattre ensemble autour de la thématique de la Transparence financière et de l’éthique.

Leurs qualités pédagogiques mêlées à leur fine connaissance des sujets ont permis à l’ensemble des participants de bénéficier d’outils de compréhension de haute qualité, clairs et accessibles, sur des thématiques juridiques, économiques et géopolitiques capitales que sont la lutte contre les fraudes, la protection juridique des lanceurs d’alerte ou encore la responsabilité et la compétitivité des entreprises. Raison d’être de cet événement annuel, la diversité géographique représentée par les différents intervenants, provenant de différents pays des zones Europe (Roumanie, Belgique) et Méditerranée (Espagne, France, Maroc, Roumanie, Tunisie, a également permis d’apporter une palette internationale de regards sur ces différents domaines.  

La journée a été introduite par Marian-Cătălin Predoiu, ministre de la Justice de Roumanie, Son Excellence Laurence Auer, Ambassadrice de France en Roumanie, Anne-Charlotte Gros, Directrice générale de la Fondation pour le droit continental et enfin Thomas Denfer, Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) qui était cette année le membre de la Fondation à qui revenait le rôle de superviser la préparation de cette 10ème édition. Ce dernier a fait le lien entre le présent colloque et la publication du rapport d’évaluation mutuelle de la France par le GAFI (Groupement d’Action Financière International), qui a eu lieu quelques jours auparavant. Il en a profité pour présenter le bilan de la France à l’aune des standards du GAFI, qui est un organisme intergouvernemental chargé de l’élaboration de normes pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le GAFI a reconnu que la France disposait d’un cadre normatif très solide, permettant une lutte efficace contre ces activités, notamment grâce notamment à la création du registre des bénéficiaires effectifs. 

Le replay des discours introductifs est à voir ici.

PANEL 1 – « Les outils de la lutte contre les fraudes » 

La première partie de cette conférence, consacrée aux outils de lutte contre les fraudes financières, a permis de réunir un panel international d’exception, avec la présence de la Commission européenne (représentée par Constance Desaunettes), de TRACFIN (représenté par son directeur, Guillaume Valette-Valla), du Conseil national des Greffiers des Tribunaux de commerce (représenté par Pascal Daniel), et de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis (représentée par le professeur Lotfi Chedly). 

Constance  Desaunettes, experte nationale détachée au sein de l’unité Criminalité financière de la Direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’union de marché des capitaux, a évoqué les actions, les enjeux et les perspectives de l’Union européenne en matière de transparence financière qui est un domaine prioritaire pour la Commission européenne.  Elle est revenue en détail sur les récentes évolutions normatives en droit de l’UE, ont pour objet de renforcer la lutte contre la fraude.   

Le directeur de TRACFIN, Guillaume Valette-Valla, a présenté son organisation, à travers ses missions de lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et ses actions au quotidien. Créée en 1990, la cellule a connu des évolutions relatives aux évolutions de la fraude, avec parfois une expansion de ses moyens légaux et budgétaires.   

Le délégué national à la lutte contre la fraude du Conseil national des Greffiers des Tribunaux de commerce, Pascal Daniel, a dédié son intervention au contrôle juridique permanent effectués par les greffiers des tribunaux de commerce. Le contrôle juridique des sociétés a pour but de sécuriser la vérification d’identité des entreprises et de lutter contre la fraude documentaire. Ce contrôle juridique est aussi un moyen de lutter avec efficacité contre l’opacité financière et le blanchiment d’argent. Ainsi, l’ensemble des informations récupérées et corrélées par l’intelligence humaine et le maillage territorial rendent la vigilance des greffiers efficiente.

Enfin, le professeur de droit à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Lotfy Chedly, a apporté un éclairage sur les mécanismes d’action contre les fraudes en droit tunisien. Il est revenu longuement sur le concept de fraude en Tunisie et sur les évolutions depuis la révolution de 2011. La Constitution tunisienne a créé un certain nombre d’outils pour lutter contre la corruption, mais leur utilisation a été tardive et n’est pas encore très effective en Tunisie.  

Le Président de la Chambre nationale des Commissaires de justice, Patrick Sannino, a clôturé ces échanges en faisant une synthèse des propos tenus lors la table ronde. Il en a profité pour remercier les différents intervenants pour la qualité de leurs interventions et a rappelé le caractère essentiel des professions du droit dans la lutte contre les fraudes.

Le replay de ce premier panel est à regarder ici.

PANEL 2 – « Quelles pratiques pour la prévention des fraudes ? » 

Après la définition des outils au cœur de lutte contre les fraudes, place à la pratique avec un panel international représentant différentes professions du droit : la Chambre nationale des Commissaires de justice (représentée par son Directeur de la conformité, Luc Ferrand), les huissiers de justice grecs (représentés par Maria Karageorgiadou), les notaires français et roumains (représentés respectivement par Nicolas de Baudus de Fransures et par Flavius Boar), ainsi que les avocats (représentés par Olivier Fontibus, ancien bâtonnier du Barreau de Versailles et actuel trésorier du Conseil national des barreaux).

A l’issue de l’introduction assurée par Laurence Leguil, Membre du Bureau du Conseil supérieur du notariat, qui est revenue sur l’aspect protéiforme de la fraude, Luc Ferrand a proposé une analyse de la pratique des Commissaires de Justice français en décrivant les outils mis à disposition de la profession pour lutter contre la fraude. Mme Karageorgiadou a ensuite parlé de son activité d’huissière de justice en Grèce, pays dans lequel cette fonction est encore très récente, en se focalisant tout particulièrement sur le concept du constat. Nicolas de Baudus de Fransures, Membre de la Commission Europe & International du Conseil supérieur du notariat, a expliqué quelles étaient les pratiques, les obstacles rencontrés et les devoirs des notaires français dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Son homologue roumain Flavius Boar, Conseiller juridique au sein de l’Union nationale des Notaires publics, a également expliqué la place occupée par la prévention des fraudes dans l’activité notariale roumaine. Son propos s’est concentré sur les devoirs du notaire public roumain, qui sont quasiment les mêmes que ceux des autres Etats membres de l’Union européenne, en matière de lutte contre la fraude, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

La dernière personne à prendre la parole lors de ce panel est Olivier Fontibus, ancien bâtonnier du Barreau de Versailles et actuel trésorier du Conseil national des barreaux. Il est aussi responsable du groupe de travail sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il a développé son propos sur les enjeux et les pratiques de la lutte antifraude chez les avocats français et notamment les actions menées par le conseil national des barreaux en la matière.  

Le replay de ce deuxième panel est à regarder ici.

PANEL 3 – « L’éthique et la gouvernance responsable des entreprises » 

Le troisième panel s’est concentré sur le thème de l’éthique et de la gouvernance responsable des entreprises. Il a été modéré par Gheorghe Piperea, Professeur de droit des sociétés à la Faculté de droit de Bucarest. Lors de cette table ronde, Corneliu-Liviu Popescu, Professeur de droit à la Faculté de Droit de Bucarest, s’est interrogé sur le dilemme, à la fois juridique et éthique, qui se pose aux entreprises entre leur recherche légitime de profits et leur aspiration à protéger les droits de l’Homme. Son propos s’est concentré sur le devoir éthique des entreprises : celles-ci ayant pour but unique le profit, sont tout de même tenues de faire respecter les droits de l’homme en leur sein. 

Selma El Hassani Sbai, Professeure de droit à la Faculté de Droit de Rabat-Adgal, a proposé un état des lieux de la gouvernance éthique et de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au Maroc. Elle est revenue longuement sur l’histoire de la RSE au Maroc et sur son renforcement depuis la libéralisation du pays dans les années 1990. En tant que membre de l’Association française des juristes d’entreprises (AFJE), Fondatrice du cabinet de conseil Proetic et anciennement Directrice anti-compliance et anti-fraude chez Total, Sophie Musso a donné sa vision de juriste et d’entrepreneuse sur la thématique de l’éthique, ses dimensions et ses applications pratiques en entreprise. Elle est revenue longuement sur les nombreux textes adoptés et à l’étude au niveau européen, et notamment sur le devoir de vigilance, qui régissent et qui vont régir les obligations éthiques des entreprises.    

Représentant le Conseil d’Etat français, Philippe Ranquet, Maître des requêtes et Rapporteur public à la 2ème chambre de la section du contentieux, a apporté un éclairage sur la protection juridique des lanceurs d’alerte et l’évolution des réglementations françaises et européennes. Florian Borg, Secrétaire du Conseil national des barreaux, a clôturé ces échanges. Il est revenu sur le texte de loi sur le devoir de vigilance des entreprises en France, qui a contraint les entreprises françaises et leurs filiales (et au-delà) à l’étranger au respect des principes de vigilance.

Le replay de ce troisième panel est à regarder ici.

PANEL 4 – « Quelles solutions pour doper la compétitivité en Europe ? » 

Le dernier panel de ce colloque, introduit par le professeur Radu Catana, Professeur de droit privé à l’Université Babes Bolyai de Cluj, fût consacré à la compétitivité des entreprises européennes, et aux solutions envisagées pour la développer davantage.  

 Le Président de la Commission des affaires européennes et internationales du Conseil national des barreaux, Jacques Taquet, a dédié son intervention aux projets de Code européen des affaires et de Société européenne simplifiée, en insistant sur leur potentiel pour doper la compétitivité de nos entreprises. Son intervention a porté de manière plus générale sur la nécessité d’uniformiser le droit pour favoriser l’entreprenariat et le développement économique.  

Le Trésorier de la Chambre nationale des Commissaires de justice, Pascal Thuet, s’est exprimé sur les moyens à mettre en œuvre pour parvenir à une concurrence sincère et non faussée. Il a démontré comment les standards européens de compétitivité s’appliquaient dorénavant aux commissaires de justice en France. En tant que Membre de la Commission Europe & International du Conseil supérieur du notariat, Arnaud Ferret a souhaité partager le regard d’un notaire sur les transitions numérique et écologique, qui passent nécessairement par une transition fiable, sûre et durable. Il est revenu sur les récentes avancées en matière de dématérialisation qui ont touché le notariat, ainsi sur les outils nécessaires pour assurer la sécurité des Européens. François Coste, Président de la Chambre de commerce et d’industrie France-Roumanie (CCI FER) et Directeur général de Groupama en Roumanie, a expliqué quels étaient les défis rencontrés sur et par le marché roumain. Il a d’abord rappelé dans son discours que l’Europe était un formidable espace de compétitivité, où le marché concurrentiel très codifié favorisait l’entreprenariat et l’expansion. M. Coste a fait allusion dans son discours à l’euro, comme source de stabilité et de confiance pour les entreprises, dans une période de forte inflation et d’instabilité géopolitique. 

Le replay de ce dernier panel est à voir ici.

CLÔTURE 

Ce colloque a été ponctué par les conclusions de Marian Nicolae, Professeur de droit à la Faculté de Droit de Bucarest. M. Nicolae est revenu sur les quatre panels de la journée, qui ont traité plusieurs aspects, mais qui avaient comme dénominateurs communs la transparence financière, l’éthique et les valeurs au service de la compétitivité des entreprises.