Le début du second trimestre 2022 a vu le lancement des travaux pratiques de Monsieur le Professeur Gilles Lhuilier autour de l’obligation de vigilance des entreprises. L’objet de cette recherche est de répondre aux besoins concrets des entreprises pour limiter le risque juridique de la transition que fait naître cette obligation de vigilance.
Les litiges environnementaux se multiplient, en effet, en raison d’une demande sociale nouvelle née de l’inquiétude que fait naître une transition climatique encore incertaine, et leur base juridique est désormais le manquement à une obligation de vigilance11. Cette obligation est une double révolution juridique. D’abord, c’est une obligation directe verticale faite aux entreprises de respecter le droit international de l’environnement et des droits de l’homme. Ensuite, c’est une obligation directe horizontale faite aux entreprises de faire appliquer ces droits à l’ensemble de leurs co-contractants et ce extra-territorialement22. Cette obligation européenne en particulier n’a pas pour seul fondement le projet de directive mais l’ensemble des régulations du green deal créées pour accompagner la transition écologique des entreprises : devoir de vigilance dans la chaîne de valeur, information extra financière, régulation des nouvelles énergies et technologies, prévention de délits pénaux (droit de l’homme, nouvelles technologies), économie circulaire et éco-conception, finance durable excluant des secteurs économique entiers dans de nouvelles « taxinomies » ou ne s’orientant que vers les « meilleurs de la classe », etc.
Les entreprises, en conséquence, vont devoir créer de nouvelles formes de gouvernance pour associer les parties prenantes à la vigilance, de nouveaux plans de vigilance ou de remédiation pour identifier leurs impacts sur l’environnement et les droits humains, et pallier ces impacts identifiés, créer des mécanismes d’ADR dans leur chaîne de valeur et donc de recueil de « plaintes », de négociation, de transaction, de médiation et d’arbitrage dits « environnementaux » pour gérer ces litiges. Certes, de grandes entreprises ont déjà commencé à créer toutes un droit de la vigilance, modifiant gouvernance, plans, information, des « procédures de gestion des plaintes des parties prenantes ». Certes, des associations professionnelles ont rédigé par exemple des clauses-types aménageant la responsabilité dans la chaîne de valeur dans lesquelles les entreprises peuvent puiser selon leurs besoins (cf. Draft Model Contract Clauses to Protect Human Rights in International Supply Chains de l’American Bar Association33). Cependant, il n’existe pas de lignes directrices ou actes types qui permettent à une entreprise assujettie à l’obligation de vigilance, qu’elles soient assujetties par la loi ou prise dans une chaine de valeur d’une grande entreprise assujettie à ces obligations, d’adapter sa gouvernance, ses plans d’actions et ses modes de résolution des litiges.
La méthode de la recherche répond à cet objectif : En premier lieu, un Code de la vigilance sera élaboré en analysant l’ensemble de ces nouveaux textes, afin de rendre plus claires les règles de droit applicables par les entreprises. Ensuite, un clausier sera réalisé grâce à des groupes de travail avec des grandes entreprises, en recherchant les meilleures pratiques de vigilance existant déjà, en identifiant les nouvelles difficultés qui se posent aux entreprises, et en proposant des clauses nouvelles.
Cette recherche fait ainsi apparaître le nouveau projet politique européen porté par le Green Deal : un nouveau « modèle continental d’affaire » qui concilie la compétitivité mondiale des entreprises européennes avec le respect des droits fondamentaux et de l’environnement, et ce partout dans le monde.
Professeur Gilles Lhuilier, Professeur de droit privé à l’Ecole Normale Supérieure de Rennes et Membre du Conseil scientifique de la Fondation pour le droit continental
Pour aller plus loin :
Les travaux préparatoires de cette recherche ont fait l’objet d’un numéro spécial de la revue International Business Law Journal, Sweet and Maxwell, 2022, n°5 : ‘Vigilance : de la soft à la hard law», https://www.sweetandmaxwell.co.uk/iblj/index.aspx.
- Gilles Lhuilier « The Proposal for a European Directive on Duty of care of company with regard to sustanibility/ La proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, », in International Business Law Journal, Sweet & Maxwell, issue 2022, N°5, pp. 422-455 (lire l’article ici),
- Luca Tenreira, « La rédaction des clauses d’application du devoir de vigilance par les global lawyers » (lire l’article ici),
- Florian Favreau, Marine Bastiege « La chaine de valeur dans la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises » (lire l’article ici),
- Florian Favreau, « Les pratiques RSE d’entreprise dans la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises » (lire l’article ici),
- Anne Danis-Fatôme, « La proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance : Brefs regards sur la responsabilité civile » etc.
Notes de fin
1. G. Lhuilier, « La demande sociale du siècle », Lextenso, consultable à l’adresse : https://www.actu-juridique.fr/administratif/environnement/pour-les-juges-la-justice- environnementale-sera-la-demande-sociale-du-siecle/.
2. Proposition de directive :https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/1_1_183885_prop_dir_susta_en.pdf ; Annexe de la directive https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/1_2_183888_annex_dir_susta_en.pdf ; Communiqué de presse https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_1145.
3. D. V. Snyder, S. Maslow and S. Dadush, « Balancing Buyer and Supplier Responsibilities: Model Contract Clauses to Protect Workers in International Supply Chains, Version 2.0 (April 19, 2021) », 77 Business Lawyer (ABA), Winter 2021, 2022, American University, WCL Research Paper No. 2021-15, Rutgers Law School Research Paper No. Forthcoming, consultable à l’adresse : https://ssrn.com/abstract=3829782.